La
CATHÉDRALE : L'île de
Maguelone (insula Magdalona), isolée
jadis entre les étangs et la mer, abrita, dès le Vle siècle, le
siège d'un évêché célèbre dans l'histoire de l'église du Moyen-Âge.
Elle fut le refuge, aux Xle et
Xlle siècles de plusieurs papes chassés de Rome au moment de la lutte
du Sacerd oce et de l'Empire.
Construite au temps de
la domination wisigothique (Vle siècle), dévastée par les Arabes au Vlle siècle, et détruite par les Francs de Charles Martel en 732, la
première cathédrale devait être abandonnée par les évêques
jusqu'au début du Xl e siècle à cause de l'insécurité du littoral.
Ceux-ci trouvèrent alors refuge sur la terre ferme : l'antique oppidum
de Sextantio (ou Substantion), non loin d'une modeste bourgade qui
allait rapidement prospérer, Montpellier.
Vers 1030, après
trois siècles d'abandon, l'évêque Arnaud ramena le siège épiscopal
et le chapitre dans l'île et entreprit la construction d'une nouvelle
cathédrale dont subsiste
encore un vestige : la tour Saint-Martin (milieu du Xl e siècle)
insérée entre le bras sud du transept et la nef de l'église actuelle.
Celle-ci, la troisième, beaucoup plus vaste et conçue d'emblée comme
une véritable forteresse, devait être édifiée au cours du Xlle
siècle afin de remplacer la cathédrale de l'évêque Arnaud. Elle est
le fruit de deux campagnes de travaux : le chœur et le transept furent
bénis par les évêques Galtier (1104-1129) et Raymond (1129-1158) ; la
nef est l'œuvre de Jean de Montlaur (1158-1190) qui construisit
également l'évêché et acheva la fortification de l'île.
Jusqu'au XVI e
siècle, la cathédrale, les bâtiments de l'évêché et du
chapitre,
qui avaient été placés dès 1086 par les comtes de Melgueil sous la
suzeraineté du Saint-siège, constituèrent un impressionnant ensemble
fortifié muni de deux enceintes surveillant le littoral et les étangs.
Un pont gigantesque, de près d'un kilomètre de long construit au Xle
siècle reliait Maguelone à la terre ferme, au sud de Villeneuve tandis
que deux graus assuraient le trafic maritime entre mer et étangs.
Cependant, dès le XIVe siècle les évêques prirent l'habitude de
résider à Montpellier. Il fallut attendre 1536 pour que le siège
épiscopal y soit officiellement transféré. Ce fut pour Maguelone le
signal d'un abandon définitif, de la solitude, du pillage et de la
ruine.
Seule la cathédrale,
énorme cube de pierre, a survécu aux dévastations protestantes
(1562), au démantèlement de la forteresse ordonné par Richelieu
(1632) et à la construction du canal des étangs (1708) qui engloutit
dans ses berges les pierres provenant des bâtiments ruinés et vendus
à l'encan. Le domaine de Maguelone sera rachetée en 1852 par
Frédéric Fabrèges. Il sauvera le bâtiment de la ruine et le
restaurera avec un zèle admirable. La cathédrale fut rendue au culte
en 1875 et léguée par la suite au diocèse de Montpellier.
Véritable église forteresse
conçue pour résister aux attaques des Sarrasins, la cathédrale a
perdu au XVlle siècle son appareil défensif de murs d'enceinte, de
tours et de mâchicoulis. A l'extérieur, elle n'offre plus aujourd'hui
qu'un aspect sévère et mutilé, avec des contreforts puissants, des
fenêtres rares, étroites et élevées comme des meurtrières et une
carapace de murs construits en pierres froides, seules capables de
résister à la morsure des embruns et des vents marins.
Le portail ouest, qui
s'ouvrait jadis au fond d'un passage étroit prolongé par deux tours
(une seule subsiste aujourd'hui), présente un curieux décor sculpté
roman utilisant des marbres antiques. C'est une oeuvre assez disparate,
constituée d'éléments d'époques et de styles différents : les deux
bas-reliefs enchâssés dans les piédroits ( représentant Saint-Pierre
et Saint-Paul ) sont des fragments d'un tympan du début du Xlle
siècle; le large linteau orné d'un rinceau d'acanthes stylisées est
daté de 1178 ; le tympan enfin avec un Christ en gloire accompagné du
tétramorphe, est une oeuvre plus tardive (vers 1200) de facture déjà
gothique.
L'intérieur de
l'édifice est impressionnant par ses proportions grandioses et son
unité architecturale. La large nef unique (12 m), bâtie en appareil
alterné - l'opus monspeliensium - de blocs de calcaire coquillier, est
couverte d'une voûte en berceau brisé rythmé par de puissants
doubleaux qui retombent, partie sur des colonnes engagées, partie sur
l'épaisseur considérable des murs latéraux. Les croisillons du
transept, aménagé à la base de deux puissantes tours qui flanquent le
chevet, sont voûtés de croisées d'ogives lombardes fortement
bombées, aux nervures épaisses et lourdes ne s'articulant pas encore
autour d'une clé. L'abside centrale, semi-circulaire, est prise
extérieurement dans un massif polygonal, tandis que les deux absidioles
sont creusées dans l'épaisseur considérable du mur Est, selon une
formule architecturale fréquente dans le premier art roman. Les
percements sont rares et mesurés, aussi, sauf dans l'abside - le matin
- et dans la tribune des chanoines - l'après-midi -, la lumière
est-elle distribuée avec parcimonie.
Le décor sculpté est
réduit mais de qualité ; les chapiteaux des piles de la nef et du
transept ainsi que ceux des colonnettes qui flanquent les fenêtres de
l'abside, sont uniformément ornés de feuilles d'acanthe à l'exception
d'un seul - à l'angle Sud Est du transept - décoré de griffons ailés.
Dans l'abside, que couronne une élégante arcature sur modillons dans
la pure tradition lombarde, on a rétabli en 1875 l'ancien autel
roman. Dans le sol du transept, ou dressées contre les murs, on peut
voir des dalles funéraires parfois bien mutilées, des évêques et des
chanoines qui furent inhumés dans la cathédrale jusqu'à la fin du
XVlle siècle.
A droite de la
première travée s'ouvre la chapelle Saint-Augustin, construite en
petit appareil et seul vestige de la cathédrale du Xle siècle ; elle
abrite la sépulture de l'évêque Arnaud ( mort en 1060) qui la fit
édifier. La partie la plus originale de la cathédrale est, sans aucun
doute, la vaste tribune du chapitre, établie sur des voûtes en plein
cintre jetées sur les deux dernières travées occidentales de la nef.
Édifiée probablement en deux étapes dans la seconde moitié du Xlle
siècle, elle servait de chœur aux chanoines - ils étaient au nombre
de 64 - qui y avaient leurs stalles et y disposaient de trois autels :
le principal au centre, les deux autres placés dans deux minuscules
absidioles creusées dans l'épaisseur des murs latéraux. On accédait
à celles-ci par des galeries de bois établies sur des consoles de
pierre. L'autel capitulaire, rétabli au XIXe siècle par Frédéric
Fabrèges, n'est autre que la pierre tombale, avec sa longue épitaphe
gravée sur la tranche, de l'évêque Jean de Montlaur (mort en 1190)
qui acheva la cathédrale et réforma le chapitre. Le texte, en vers
léonins fait allusion aux écoles créées par le prélat.
Les trois tours -
Saint-Augustin, Saint Sépulcre et Sainte-Marie , qui flanquent la
cathédrale possèdent également des chapelles hautes desservies par
d'étroits escaliers. On notera la majestueuse ampleur et la pente douce
aux larges marches du grand escalier qui, au Nord, permettait aux
chanoines, comtes de Maguelone, d'accéder à cheval jusqu'à la
tribune. Sous cette dernière enfin, et contre le mur Sud de la nef, ont
été fixés des fragments de sculptures antiques et médiévales, ainsi
que plusieurs épitaphes retrouvées au cours des fouilles du XIXe
siècle, dont celle d'un orfèvre réputé du Xllle siècle.
L'accès à la
cathédrale en période estivale se fait par Villeneuve-lès-Maguelone.
Le touriste laisse son véhicule sur le parking longeant le canal et
emprunte la passerelle. Là, un petit train pittoresque l'emmène au
bord de la plage. II peut se rendre s'il le désire au pied de la
cathédrale en suivant le chemin qui grimpe jusqu'au bois de pins. La
cathédrale est ouverte tous les jours de la semaine de 9 h à 1 8 h 30.
La visite est gratuite. |