ANDUZE
CONSTRUCTION SORTIE VILLE
HISTOIRE Depuis la plus haute antiquité, le site d'Anduze a été occupé par de nombreuses civilisations. De la préhistoire, il nous reste des tombes mégalithiques (celle de la Grande Pallière par exemple), des menhirs et plus rarement des roches à cupules (dessins sculptés dans la pierre). Le rocher, au flanc duquel la ville a été construite, porte à son sommet un Oppidum gaulois et un Castrum romain. ************************************************************************************************** En 1573, un an après la Barthélémy et jusqu'à l'Édit de Nantes, en 1598, une sorte d'État huguenot est fondé à Anduze. Retour sur un épisode étrangement "oublié" par les livres d'histoire... Une nouvelle espèce de république (...) qui avait ses lois pour la religion, le gouvernement civil, la justice, la discipline militaire, la liberté du commerce, la levée des impôts et l'administration des finances." Voilà comment Jean-Auguste de Thou, catholique modéré et ami du futur Henri IV, décrit, un brin stupéfait, l'organisation fondée à Anduze par les protestants. Étonnant, en effet, pour les hommes du XVIe siècle : difficile de concevoir des assemblées souveraines quand un seul pouvoir est reconnu, celui du roi. Étonnant, également, pour nous : peu de choses ont été écrites sur ce moment important où les Anduziens, à l'époque des guerres de Religion, se sont dotés d'un système politique original. Récit d'une république oubliée, et née à Anduze. Tout commence avec la Saint-Barthélemy de 1572. "Le célèbre massacre scelle l'espoir des réformés de faire basculer le royaume de France dans le protestantisme, explique le Nîmois Philippe Chareyre, professeur à l'université de Pau et des pays de l'Adour. L'épisode de la république protestante doit être compris dans ce contexte." Conséquence politique : les huguenots vont considérer que le "contrat" est rompu entre le monarque, source du pouvoir, et eux-mêmes, sujets du roi. Dès février 1573, la charte de fondation d'une sorte de république fédérative - huguenote, mais tolérante envers les catholiques "paisibles" - est votée à Anduze. Pourquoi là ? Parce que la ville est imprégnée de protestantisme - d'où le surnom de "petite Genève" -, qu'elle est très peuplée - deux fois plus d'habitants qu'à l'heure actuelle -, et qu'elle est une place forte... éloignée de Paris, lieu de l'absolutisme royal. Mais attention, Anduze n'était pas capitale de cette république : les assemblées politiques tournaient d'une ville a une autre, selon la conjoncture militaire des guerres de Religion. C'est à Janine Garrisson - professeur honoraire à l'université de Limoges - que l'on doit la redécouverte de cette république inédite : "Il y a une ébauche de séparation des pouvoirs, relève-t-elle. Le "pays" possède le pouvoir exécutif et législatif ; il désigne un "protecteur" chargé des affaires militaires et un conseil permanent, sorte de gouvernement fédéral. Cette assemblée souveraine se réunit périodiquement et regroupe des députés de chaque province ayant prêté serment à l'Union protestante." Une large autonomie était accordée aux territoires qui rejoignaient ces "États-Unis du Midi". Alors, révolutionnaire, la république fondée à Anduze ? "Il ne faut pas pour autant penser à des institutions laïques et démocratiques, souligne Philippe Chareyre. Car la laïcité n'est pas de ce temps-là ! Partout en Europe, dans les contrées protestantes comme dans les pays catholiques, les États sont confessionnels. Par ailleurs, parler de démocratie serait un raccourci trop rapide : l'organisation fondée à Anduze était représentative, pas démocratique. Mais, certes, il a fallu passer par ce stade avant de connaître la démocratie moderne." Anduze ne souhaitait pas créer un État sécessionniste, une république à part. Mais, au vu des dramatiques circonstances de l'époque, les huguenots comprennent la nécessité d'élaborer une organisation politique autonome. Et le but était clair : il s'agissait de coordonner la résistance des réformés et la levée de l'argent pour pouvoir guerroyer contre la monarchie. Ce n'était donc pas les pasteurs qui dirigeaient, mais une assemblée de bourgeois et de nobles pour payer et combattre. Afin de s'organiser, les protestants ont repris tout un système traditionnel d'assemblée représentative et une longue habitude de l'auto gestion. Au niveau local, c'était peu de changement - même si le roi avait tendance à grignoter les "libertés" locales héritées du système féodal. Au niveau fédéral, en revanche, c'était très novateur : la construction de cette république introduit une sorte d'État dans l'État. D'ailleurs, très concrètement : l'organisation des provinces huguenotes repose sur un discontinu géographique. Des villes et des régions entières échappent à son contrôle ! Cet archipel protestant dura tout de même 25 ans, le temps de passer de la guerre à la paix - de la Saint-Barthélemy à l'Édit de Nantes. Mais l'essentiel, c'est que, sous les deux d'Anduze, des hommes fiers de leurs convictions se dotèrent de leurs propres institutions. Les souverains, c'était eux - et non le roi. Ou comment l'air cévenol rend responsable et libre. |