Histoire : Au XIIe siècle : Les origines de la vie religieuse à Frigolet se perdent dans la nuit des temps. En l133, une Communauté déjà bien constituée de 13 chanoines est mentionnée pour la première fois, dans un acte de donation. Son prieur est connu : Guillaume de Loubières. Cette Communauté, probablement de chanoines réguliers de Saint-Augustin, comme nous habillée de blanc, nous a légué le coeur actuel du monastère : le cloître et l'église Saint-Michel. Sa fonction, outre la recherche de Dieu dans un lieu désert, était probablement de desservir le sanctuaire de la Vierge qui était alors ici vénérée sous le titre de Notre-Dame de Frigolet. La chapelle actuelle de Notre-Dame du Bon Remède (le nom apparut au XVIIe) date aussi de cette époque. Du XVIIe au XVIIIe siècle : En 1480, les chanoines de Saint-Michel demandent leur sécularisation au pape Sixte IV. Elle leur est accordée. Si le sanctuaire de Notre-Dame du Bon Remède est encore un lieu de pèlerinage, le monastère de Saint-Michel est abandonné. En 1647, Les Hieronymites (où Pères de Saint-Jérôme) font revivre le monastère. La vie religieuse reprend à Frigolet, pour ne plus s'arrêter, jusqu'à la Révolution Française, en 1793. Ces religieux remettent debout les bâtiments délabrés de Frigolet. Ils les agrandissent et les embellissent. Cette Communauté nous a légué : Le choeur de l'église Saint-Michel qui a été agrandi La Salle du Chapitre et les salles attenantes avec une magnifique voûte de pierre La Sacristie de l'Eglise Saint-Michel grande de "deux cannes en carré" (acte de 1652) Un acte du 12 avril 1653 souligne que si Frigolet est devenu un lieu "tellement fréquenté par des personnes très pieuses de toute la France", c'est grâce à la "vie si religieuse, pieuse et dévote" des "hommes de prière" qui y résident. Pour une raison mystérieuse, les Augustins Déchaussés (ou Réformés) leur succédèrent en 1661. Leur spiritualité exemplaire s'étendit bien au delà du monastère, sur toute la région. Ne se contentant pas de desservir le pèlerinage de Notre Dame du Bon Remède, ils rayonnaient dans la région, prêtant leur concours au clergé pour le service des paroisses. Après avoir échappé à la triste Commission des Réguliers de Louis XV en 1768, qui voulait supprimer toute les petites communautés, les grondements de la Révolution se font entendre. L'isolement du monastère lui vaudra d'être épargné quelque temps, mais les hordes révolutionnaires de 1791 n'oublieront pas de monter se l'approprier. Le 5 février les derniers religieux doivent quitter Frigolet. La vie religieuse reprendra avec les Chanoines Réguliers de Prémontré le 27 avril 1858. Au XIXe siècle : La Révolution française et ses suites immédiates : La tourmente révolutionnaire qui sacrifie les Ordres religieux et confisque leurs biens pour les vendre n'épargne pas Saint-Michel de Frigolet. Le 15 janvier 1791, les membres de la petite communauté fuient, l'un d'eux est exécuté. Le monastère "une petite église et le reste du couvent incendié sans bail" est soumissionné par la Commune de Tarascon pour la modique somme de 300 livres. L'isolement épargne le petit sanctuaire de Notre-Dame. La tradition orale rappelle qu'une habitante d'un mas voisin, Mme Chaîne, a sauvé la chapelle de Notre-Dame du pillage et du vandalisme. Après la Terreur, Saint-Michel passe en plusieurs mains. Des chevaliers d'industrie, se disant émigrés politiques d'Espagne et désabusés du monde, s'y installent en 1837, pour y "suivre, loin du tumulte des hommes, la règle de Saint-Bernard". Mais le manque de ressources, et surtout les injonctions de la police, les obligent à se séparer rapidement. Un pensionnat est ouvert ensuite par Mr Donnat en septembre 1839. Parmi la quarantaine d'élèves se trouve le jeune Frédéric Mistral, de Maillane. Encore une fois, l'indigence va être la cause de la fermeture de la maison d'éducation. "Mes enfants, il n'y a plus rien pour vous faire manger : il faut retourner chez vous. Et soudain, comme un troupeau de cabris en sevrage qu'on élargit du bercail, nous allâmes, en courant, avant de nous séparer, arracher des touffes de thym sur la colline pour emporter un souvenir de notre beau quartier de Thym-Frigolet, en provençal Ferigoulet, signifie "lieu où le thym abonde". Puis, avec nos petits paquets, quatre à quatre, six à six, qui en amont, qui en aval, nous nous éparpillâmes dans les vallons et les sentiers, mais non sans
retourner la tête, ni sans regret à la descente." Frédéric Mistral, Mémoires et Récits (Ed. Plon-Nourrit 1906, page 203). Des industriels s'installèrent ensuite dans les bâtiments. On y vit une production de dragées, une fromagerie ou un atelier d'équarrissage. L'église Saint-Michel devint un abri pour les troupeaux. La Primitive Observance de Prémontré & Père Edmond Boulbon (1817-1883) : Jean-Baptiste Boulbon naquit à Bordeaux le 14 janvier 1817. Il entra comme novice, sous le nom de frère Edmond, à l'Abbaye Cistercienne (Trappe) de Notre-Dame du Gard, près d'Amiens qui, en 1845, fut transféré, à Sept Fons (Allier). Son abbé et celui de la Trappe de Bricquebec l'envoyèrent prêcher en France et en Belgique pour récolter des fonds afin de construire leur abbaye. Il fut envoyé aussi sur l'île de la Réunion afin d'y prospecter en vue d'une fondation éventuelle. Durant ses voyages, il avait été choqué par le peu de dignité avec laquelle on célébrait souvent les offices. Il rêvait d'un culte avec un faste digne de la majesté de Dieu, qui élèverait en même temps le coeur des fidèles. Les supérieurs du Père Boulbon comprirent vite que cette vision ne relevait pas du charisme des moines cisterciens. Cependant, l'abbé de Bricquebec prit au sérieux le désir du Père Edmond et lui suggéra de restaurer l'Ordre de Prémontré, qui avait été anéanti en France lors de la Révolution. En effet, cet Ordre Canonial (c'est-à-dire de Chanoines Réguliers) unit la vie contemplative à une vie liturgique publique et à un engagement pastoral dans l'Église. Lors d'une audience à Rome le 4 décembre 1856, le pape Pie IX autorisa sur-le-champ Père Edmond à entreprendre cette oeuvre. Il reçut en même temps l'autorisation d'ouvrir un noviciat, de donner l'habit et d'admettre à la profession religieuse. Après un essai infructueux dans ce qui restait des bâtiments de l'ancienne abbaye de Prémontré (Aisne), Père Boulbon prend conseil auprès du saint curé d'Ars. L'abbé Jean-Marie Vianney lui répond d'établir sa fondation en Provence. L'ancien prieuré de Saint-Michel de Frigolet fut alors acheté pour 18 000 francs. L'installation officielle de la nouvelle fondation a lieu le 27 avril 1858. Le 11 juillet suivant, le Père Edmond fait profession religieuse entre les mains de l'archevêque d'Aix et d'Arles, Mgr Chalandon. Entre-temps, la communauté qui entoure son fondateur s'accroît sans cesse. Au XXe siècle : L'UNION AU GRAND ORDRE DE PREMONTRE : Le Pape Pie IX avait été très ouvert face aux expériences religieuses. C'est lui qui avait autorisé et encouragé le P. Boulbon dans son oeuvre. Son successeur, le Pape Léon XIII préfère la clarté dans le foisonnement des familles religieuses surgies depuis la Révolution française. Il favorisera, voire exigera la réunification des différentes branches des ordres religieux anciens. Or le Père Boulbon avait créé sa fondation autonome vis-à-vis de l'Ordre de Prémontré dit de "la Commune Observance". Les Prémontrés de Frigolet vivaient selon les statuts du Moyen Age. Ils s'appelaient la "Congrégation de la Primitive observance de Prémontré" et étaient attachés à leur statut, mais Rome insista. Après consultation de la Communauté de Frigolet et du chapitre général du grand Ordre, Léon XIII signa le décret de l'union le 17 septembre 1898. Pour la Communauté relativement jeune, ce fut un choc auquel vint s'ajouter le décès prématuré du Père Abbé Denis Bonnefoy. Les religieux de Frigolet firent appel au prieur de l'abbaye prémontrée de Mondaye (Calvados), Godefroid Madelaine, pour devenir leur Père Abbé. Le nouveau pasteur envoya en 1901 quelques religieux comme missionnaires à Madagascar. Cette mission continuera jusqu'en 1934. Par ce geste religieux, mais aussi humanitaire, le Père Abbé a essayé de sauver sa communauté d'un ouragan qui s'annonçait à l'horizon. En vain. La loi du 1er juillet 1903 sur les congrégations religieuses entraîna en effet la dissolution immédiate de 54 maisons et congrégations religieuses, l'expulsion des religieux de leurs monastères et l'expropriation des biens mobiliers et immobiliers. Ceux qui voulaient continuer la vie religieuse furent exilés. En France les bâtiments de Frigolet ont servi, pendant la Grande Guerre, de camp pour des prisonniers allemands. Fin 1910, les premiers Prémontrés, prudemment vêtus d'une soutane noire, osent revenir, guidés par le nouveau Père Abbé Adrien Borelly. Le dénuement était total, car les soldats avaient laissé les lieux dans un état lamentable. Même à cette époque, la police de Tarascon les obligea à quitter à nouveau l'abbaye pour quelque temps. Depuis le retour de l'exil l'abbaye Saint-Michel de Frigolet continue sa vie et sa mission religieuse. Relevons durant cette période la figure du Père Norbert Calmels. Devenu Père Abbé de Frigolet en 1946 il fut élu Abbé Général de l'Ordre (1961-1981). Entre-temps Paul VI l'avait nommé évêque en 1978 et chargé d'une mission diplomatique auprès du roi du Maroc. Mgr Norbert Calmels a rendu l'âme le 24 mars 1985 après une maladie foudroyante. Sa personnalité aimable, ses fonctions religieuses et le fait d'être un homme de lettres l'avaient entouré d'innombrables amis à tous les niveaux de la société. Entre-temps, le Concile Vatican II et les Chapitres généraux de l'Ordre invitaient à un retour aux sources essentielles de la vie religieuse. |