Saint Germain de Calberte
HISTOIRE Mentionné dès 1092 dans les textes, Calberte était l'un des nombreux châteaux féodeaux qui tenaient les vallées cévenoles. Contrôlé tour à tour par les familles d'Anduze et de Budos, il dépendait de la juridiction du château de Portes (Gard). Abandonné à la fin du XIVème siècle ou au début du XVème siècle, il est resté dans l'oubli jusqu'à aujourd'hui. Personne ne savait plus que Saint-Germain-de-Calberte tirait son nom des ruines accrochées à un piton rocheux de sa vallée. Pour le XXème siècle, il était le château Saint-Pierre, vocable de la chapelle castrale, restée en usage après sa destruction avant d'être abandonnée à son tour. Depuis 1965, il fait l'objet d'une restauration familiale réalisé par Daniel Darnas, sa femme et ses enfants. Sa restauration a pu faire revivre un ensemble que l'histoire avait condamné. La réalisation de fouilles archéologiques dans les maisons du village déserté qui l'entourent permet de compléter l'approche très lacunaire que les textes nous livrent. Cette restauration a présenté un double avantage. D'une part, elle a permis une approche d'ensemble des différents bâtiments qui s'organisent autour de la demeure seigneuriale, souvent invisibles car enterrés sous des mètres de remblais. D'autre part, une étude des détails de conception architecturale a pu être menée très précisément. La restauration ayant due être menée avec précision, il fallu se replacer dans les conditions techniques du Moyen-Age et permettre ainsi d'en comprendre la fonction pratique. La dénomination du château a varié au cours des âges. Il est connu aujourd'hui localement sous le nom de "Château de Saint-Pierre", appellation établie au XVIIIème siècle environ à partir du vocable de la chapelle castrale. Le nom médiéval du château est "Calberte", nom duquel le village de Saint-Germain tire son toponyme. Dès le XVIème siècle, cette dénomination était oubliée. En revanche, le contexte historique de cet ensemble fortifié est difficile à cerner. C'est au XIème siècle que le Château de Calberte apparaît pour la première fois dans les textes, où il est présumé alleutier (1). Au XIIIème siècle, il est fief de la maison d'Anduze et se trouve mêlé à la Croisade Albigeoise. En effet, cette famille était l'une des plus puissantes du Languedoc et ses fiefs relevaient du Comte de Toulouse. Le conflit qui éclata entre le Comte et le Roi de France entraîna la ruine d'une grande partie de la noblesse méditerranéenne; Cette famille fut l'une des plus durement touchée: dès le milieu du XIIIème siècle, la famille de Budos tenait la Baronnie de Portes en fief du Roi. Calberte dépendait directement du Roi. La Guerre de Cent Ans allait jeter le château au coeur d'un conflit complexe. Des routiers cantonnés sur le Mont Lozère ravageaient les campagnes de raids meurtriers et mettaient la région dans une insécurité permanente. A cela se greffait une guerre privée entre les Budos et Guillaume Rogier, Comte de Beaufort, pour la possession de la Baronnie de Portes. Du fait des uns et des autres, le château fut détruit et abandonné, vraissemblablement à la fin du XIVème siècle ou au début du XVème siècle. Si l'histoire de Calberte reste encore bien obscure, son architecture ets néanmoins des plus intéressantes. En effet, l'évolution des phases de construction a pu être établie. L'importance des vestiges conservés et la restauration ont permis une approche précise des structures en élévation afin de distinguer les apports architecturaux des périodes successives. L'ensemble du château est composé d'un long logis rectangulaire, auquel est accolé un donjon carré, d'une tour ronde, d'une chapelle et de dépendances, le tout cerné par une enceinte. Autour d'elle s'articulent les ruines d'un village. Le bâtiment le plus ancien est le logis rectangulaire qui avait alors deux niveaux. Entièrement maçonné, il était couvert d'un toit en bâtière. Puis fut installée une petite bâtisse contre son mur nord, également à deux niveaux et communiquant avec le logis. Il s'agit sans doute des cuisines que l'homme du Moyen-Age répugnait à installer dans la demeure seigneuriale proprement dite. Une chapelle fut construite à l'est du logis. Avant la fin du XIIème siècle, un donjon carré s'ajoute au logis qui est alors surélevé d'un niveau. La chapelle subit également une transformation: une voûte en berceau remplace la charpente. Au XIVème siècle, le système défensif du château fut renforcé. Une bretèche est construite au-dessus de la porte principale du logis. Une archère est percée dans son mur ouest et son sommet est couronné d'une série de merlons et créneaux. L'étude d'un édifice militaire du Moyen-Age est utile à la connaissance de cette période troublée où l'insécurité était permanente. Elle nous renseigne sur les fondements même de la société médiévale. Les châteaux de Lozère sont encore dans l'oubli et une étude d'ensemble de leurs particularités serait nécessaire. Le problème des sources est, bien sûr, crucial. En revanche, beaucoup d'entre eux sont encore conservés en élévation. Aussi, des recherches à la fois historiques et archéologiques sont nécessaires, afin de permettre une approche de l'histoire régionale, dont le Moyen-Age est trop souvent exclu. Les premiers résultats des fouilles archéologiques entreprises depuis 1988 sont exposés au château et une quarantaine de photos en retracent les différentes étapes. Le Village Les plus anciens vestiges concernant la commune se trouvent sur les crêtes, notamment au nord du village. Le versant sud du Mont-Mars, au pied duquel il se situe, recèle les restes d'un habitat très ancien. Tombes, coffres, menhirs et surtout de nombreuses cupules (petites cavités creusées dans le schiste et dont la signification reste obscure) sont les témoins d'une pénétration de notre région par les crêtes. C'est aussi sur les flancs du Mont-Mars, au lieu-dit 'Saint-Clément', que de récentes fouilles ont mis à jour les fondations d'une villa gallo-romaine. Il est intéressant à ce sujet de consulter l'article de Numa Bastide. Sur ce même emplacement, des documents signalent l'existence d'un hôpital monastère du XIIe siècle : Saint-Clément de Montmars, détruit en 1240 au moment de la guerre des Albigeois - aucune trace ne subsiste ; probablement a-t-il été démantelé pour servir à la construction des bergeries toutes proches. Rappelons que les drailles qui longent les limites de la commune de Saint-Germain-de-Calberte sont des voies de communication très anciennes, voies de passage du Massif Central vers les régions méditerranéennes, et certainement elles ont été à l'origine du peuplement de ces vallées. Cette période, pendant laquelle les vallées ont été occupées à partir des crêtes, reste obscure et on ne possède pas de renseignements. Les plus anciens documents concernant les origines de Saint-Germain-de-Calberte remontent à 1310. Une communauté de moines y avait fondé un établissement au nord-est de l'église et dépendait du monastère de Sauve. Un autre établissement se trouvait au lieu-dit 'La Garde'. Il semblerait que ces moines aient été attirés par le site original - un replat relativement large pour la région, bien espacé à flanc de montagne. Certains verraient dans cette situation privilégiée l'origine du nom ('cale' : un endroit plat bien exposé ; 'berte' : verte). Il semblerait aussi que ces moines soient à l'origine de l'admirable aménagement du flanc sud de la montagne au lieu-dit 'les Calquières'. Disons que les archives du monastère de Sauve n'ont pas été exploitées. Etant rédigées en latin du 13e siècle, leur dépouillement est difficile et elles n'ont été l'objet d'aucune étude à l'heure actuelle (avis aux amateurs ;). En 1321, fondation d'un petit hôpital sur l'emplacement de l'ancienne colonie de vacances (centre du village). Vers 1350, Saint-Germainde-Calberte comptait sept feux sur la rue haute. En 1362, construction de l'église et d'un studium sous l'égide du pape Urbain V, originaire de Grisac, près du Pont-de-Montvert. De 1360 à 1500, le village se développe vers le sud-est et vers la rue basse. Vers 1540, Saint-ermain-de-Calberte reçoit les premiers souffles de la Réforme. Un temple est construit dans le centre du village par un 'auparavant libraire à Genève, le labeur duquel, conjoint avec un singulier exemple de bonne vie, profita tellement qu'en peu de temps, il acquit au Seigneur ceux de Saint-Etienne-de-Valfrancesque, de Pont-de-Montvert, de Saint-Privat et autres lieux circonvoisins...' nous dit Théodore de Bèze dans le livre III année 1560 de son 'Histoire Ecclésiastique'. Ce temple fut détruit par la suite; seul subsiste une portion de mur perpendiculaire à la rue sur l'emplacement des maisons Manen et Daumet. En 1647, les principaux nobles et seigneurs du village sont : Simon de Plantavit, Seigneur de la Bastide ; le Baron de Cadoine ; le Seigneur de Maleirargues ; le Seigneur de la Fabrègue (d'après l'étude du vieux cadastre). Vers 1660, les troubles entre protestants et catholiques naissent. Pour la paroisse de Saint-Germain-de-Calberte, on comptait six cent vingt-trois protestants et quatre-vingt catholiques. A cette époque, le village sert de centre de regroupement pour les habitants des fermes et hameaux environnants, rasés par ordre du roi, et une garnison des troupes royales le protège. En 1687, l'abbé du Chayla fonde un séminaire qui eut jusqu'à quatre-vingt pensionnaires. C'est à partir de Saint-Germain-de-Calberte qu'il rayonnait et menait ses inspections dans toutes les Cévennes. Le 27 juillet 1702, 'Les restes de Messire François Langlade du Chayla, ancien curé de Saint-Germain-de-Calberte, inspecteur des missions, tué au Pont-de-Montvert par les religionnaires de Saint-Julien-d'Arpaon, sont enterrés dans l'église en face du maître-autel à égale distance des chapelles de Notre-Dame et du Sacré-Cœur' (Extraits d'une monographie d'un instituteur de Mende, datée de 1885). Cet événement marque le début des guerres de religion. Le 1er janvier 1703, le village est attaqué par les camisards, qui sont repoussés après avoir incendié quelques maisons. En 1713, des halles sont construites. Il semblerait que l'emplacement ait été près de la poste actuelle. En 1714, grâce aux fonds légués par la Marquise de Portes, l'hôpital est rénové et agrandi. Il restera en service jusqu'à la Révolution, où il deviendra propriété du bureau de Bienfaisance. Aux alentours de la Révolution en 1792 : 'l'église fut un moment convertie en salpêtrière puis en club - il paraît que la Raison y eut un autel' (Extraits d'une monographie d'un instituteur de Mende, datée de 1885). A cette époque, tout ce qui pouvait rappeler le culte catholique fut voué à une aveugle destruction... le clocher fut abattu, les cloches, les tableaux, les vases sacrés et une partie des ornements sacerdotaux furent envoyés au district de Florac. Tout ce qui restait de mobilier et tout ce qui n'avait pas une valeur vénale fut brûlé sur la place publique aux cris de joie d'une population en délire composée d'une majorité de protestants. Dans ces circonstances, la chaire en bois magnifiquement sculptée, et qui existe encore aujourd'hui, fut attaquée aussi. Un lion qui la supportait fut enlevé et brûlé et la tradition rapporte, corroborée par les traces de ces actes de sacrilège, de vandalisme que l'on remarque encore sur la chaire, que pendant qu'un de ces fanatiques mutilait à coups de hache les reliefs qui représentaient sur les pans de la chaire le Christ et les évangiles, un éclat de bois lui jaillit à la figure et lui creva un œil. 'Et ces adorateurs de la Raison faisant un moment revivre en eux la foi de leurs pères crurent à un trait de la vengeance divine et arrêtèrent là leurs actes de sauvagerie' nous cite une ancienne monographie sur Saint-Germain-de-Calberte. (Extrait d'une monographie d'un instituteur de Mende, datée de 1885). En 170, Saint-Germain-de-Calberte devient chef-lieu de canton ; il comprend les communes de Saint-Germain, Saint-André-de-Lancize et de Saint-Martin-de-Lansuscle. En 1793, Saint-Germain-de-Calberte est débaptisé et change de nom pour devenir Côte libre. C'est à cette époque que sont rasées les fortifications des différends châteaux - ceux de Cadoine, de la Bruyère, dont le donjon fut démantelé ; celui de Polastron fut vendu au profit de l'état. Les différentes pièces composant l'architecture de ces châteaux - meneaux, linteaux, ogives en granit notamment - ont été dispersées et se retrouvent dans différentes habitations aux alentours du village. En 1825, construction du temple actuel. En 1830, le village est doté d'une fontaine publique et d'un bassin proche de l'église. En 1840, la filature de soie, située dans la rue basse, est dotée d'une machine à vapeur. Vers 1845, la population est à son maximum ; on compte deux mille habitants. Dans la vallée du Gardon de Saint-André-de-Lancize, dix moulins sont en activité. Vers 1880, la dépopulation se fait déjà sentir. La commune comptait tout de même cinq cents habitants, trois cent vingt-quatre groupés dans le village, cinquante à la Bastide, quarante à Cadoine et trente-huit à la Liquière. A cette époque, les résineux n'existent pratiquement pas : 'Le sommet des montagnes et les versants sont entièrement stériles et dénudés. Ce n'est qu'un descendant dans les vallées que l'on commence à rencontrer quelques rares châtaigniers, chétifs et quelques habitations, presque toutes isolées les unes des autres, suspendues aux rochers sur le bord de précipices dont la profondeur donne " le vertige " nous décrit une voyageur découvrant Saint-Germain-de-Calberte vers 1880. Entre 1880 et 1905, Saint-Germain-de-Calberte devient carrefour des routes actuelles. Une mairie avec Justice de Paix est construite à l'emplacement du bureau de poste. Le cimetière qui occupait toute la place de l'actuel monument aux morts est transféré hors du village. En 1901, le fronton triangulaire de l'église est remplacé par le clocher actuel. |