
Cirque de Navacelles (Blandas) :
A l'égal d'autres sites
célèbres des Grands Causses, le Cirque de Navacelles est visité
chaque année par des centaines de milliers de touristes qui
viennent admirer la découpe du canyon de la Vis, au travers des
calcaires et des dolomies du Causse de Blandas.
Au fond du canyon, 300 mètres plus bas que
le Causse, la Vis tombe en cascades à Navacelles. Le village est
accroché aux rochers respectant ainsi une boucle à fond plat de
champs cultivés qui entourent un petit relief de calcaires.
L'ensemble est dominé par des versants recouverts de quelques
éboulis vifs, qui dessinent un grand amphithéâtre, dont les
barres calcaires constitueraient les gradins. Ce "cirque" est un
ancien cours de la Vis et n'a donc rien de comparable avec
d'autres cirques de la région, tel celui de Mourèze ou celui du
Bout du Monde près de Lodève, simple reculée de la corniche
calcaire et dolomitique du bord du Causse du Larzac sous les
effets de l'érosion.
Ce changement de parcours de la Vis est
tout à fait typique des rivières dont le tracé sinueux dessine
de nombreuses boucles ou méandres. C'est le cas de la Vis à
partir de Vissec et surtout de la source de la Foux, résurgence
karstique qui assure son écoulement toute l'année, alors que son
lit supérieur peut être à sec. Le volume d'eau débité par la
source de La Foux n'est jamais inférieur à 1 métre cube par
seconde.
Dans les méandres de La
Vis, la vitesse de l'eau est inégale et la rivière creuse ses
rives concaves, alors qu'elle dépose ses alluvions sur ses rives
convexes où la vitesse est plus faible. Le méandre devient une
boucle de plus en plus serrée qui sera recoupée par la rivière à
sa base. Ce phénomène est fréquent : en amont du Cirque de
Navacelles, trois autres méandres abandonnés, dont celui de
Vissec, sont visibles en quelques kilomètres.
L'âge du recoupement du méandre du Cirque de
Navacelles est à peu près bien connu. Les tufs à végétaux sur
lesquels la Vis cascade à Navacelles remplissent aussi le
méandre. Ils existent en "terrasse" au-dessus du lit de la
rivière jusqu'au village de Madières. L'étude des empreintes de
feuilles qu'ils renferment et des datations au Carbone 14 sur
des échantillons pris à Madières placent ces tufs vers 6000 ans,
c'est à dire dans l'Holocène, après le Würm, dernière période
froide de l'ère quaternaire. Il y a donc seulement quelques
millénaires que la Vis a fini son travail de sape pour retrouver
un cours plus direct. Le remplissage de son lit par les tufs a
exhaussé la Vis, lui permettant de déborder la base du méandre.
Depuis, elle s'est enfoncée de quelques mètres au travers de
ceux-ci. Mais on peut s'interroger également sur le temps
nécessaire au creusement du canyon de la Vis. Le problème est
plus délicat et concerne en fait l'évolution de toutes la région
des Grands Causses. Sans entrer dans le détail de l'histoire
complexe de ces paysages, dont le début remonte au moins à
plusieurs millions d'années, il est nécessaire de réaliser tout
-l'abord que la région n'a acquis son altitude que vers la fin
de l'ère tertiaire et/ou au début de l'ère quaternaire.
Auparavant, des rivières différentes des cours d'eau actuels,
parcouraient la surface des causses et ont laissé des alluvions,
formées de galets et de schistes, pris aux Cévennes et à
d'autres régions de roches, anciennes. Par altération, ces
alluvions sont devenus les "terres rouges", maintenant piégées
et cultivées dans les dépressions fermées (dolines) qui
parsèment le Causse, Leur contenu en minéraux (zircon,
tourmaline, rutile, grenat, etc. ... ) qui résistent à
l'altération nous indique leur origine : roches métamorphiques
ou granitique. Prés de Saint Maurice de Navacelles des galets de
schistes et de granites sont encore reconnaissables malgré
l'altération. Le soulèvement du sud du Massif central et de la
région des Causses a entraîné un changement dans la direction
des écoulements des rivières. En même temps, les plus
importantes, comme la Vis, la Dourbie, la Jonte, le Tarn et le
Lot, se sont enfoncées peu à peu. Leur vallée étroite ou canyon
peut donc avoir été creusée en l'espace de 2 à 3 millions
d'années.
En prenant ce dernier chiffre pour la Vis, ce
creusement se serait réalisé au rythme d' 1/10e de millimètres
par an, ce chiffre ne devant être considéré que comme une
moyenne, les conditions climatiques qui gouvernent l'érosion
ayant à plusieurs reprises changé au cours de l'ère quaternaire.
L'enfoncement très récent au travers des tufs a pu être beaucoup
plus rapide, ces roches vacuolaires étant plus faciles à éroder
que les calcaires de l'ère secondaire.
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