CHARTREUSE DE VALBONNE

Fondée en 1203 par Guilhem de Vénéjan, Évêque d'Uzès, la Chartreuse de Valbonne, monument historique classée du XIIIe siècle, séduit par la splendeur de ses toits de tuiles vernissées, la sérénité de ses cloîtres la pureté architecturale de la voûte de la Chapelle conventuelle.

Au coeur d'un magnifique domaine forestier, le monastère abrite jusqu'en 1901 l'ordre des chartreux. Abandonnée, pillée, la chartreuse est rachetée aux enchères en 1926 par le Pasteur Philadelphe Delord, il fonde l'Association de Secours aux Victimes des Maladies Tropicales et plus particulièrement aux victimes de la lèpre. Dans les années 60, les traitements contre la lèpre montre leur efficacité, le service demeure, mais il faut trouver une nouvelle orientation à la Chartreuse. C'est en 1975, que l'Association décide, alors, de poursuivre sa mission d'aide et de solidarité à l'égard des personnes en difficulté et ouvre un Centre de Réinsertion et Réadaptation socioprofessionnelle. D'autres structures permettant l'accompagnement vers une réinsertion sociale ou professionnelle sont progressivement mises en place dans les années 80-90 : Appartements Thérapeutiques, Centre d'Aide par le Travail, Foyer de vie, Foyer d'Hébergement. Les activités vitivinicoles et hôtelières du Centre d'Aide par le Travail donnent une véritable dimension touristique à la Chartreuse. Oeuvre protestante, la Chartreuse de Valbonne est aujourd'hui une structure souple adaptée aux besoins des personnes accueillies ; un lieu touristique avec la visite du monument, la découverte de la forêt, de son vignoble, la dégustation de ses Côtes-du-rhône, un lieu d'accueil avec son hôtel, de travail avec ses salles de réunions, un lieu culturel avec son festival vocal.

 

 

Le portail d'entrée: surmonté du symbole des chartreux qui signifie « le monde change mais la croix demeure stable ». Les sept étoiles des armoiries de l'Ordre des Chartreux commémorent le souvenir de la création de l'Ordre au 11 ème siècle par Saint Bruno et six compagnons. Au-dessus l'Ange gardien.

Le grand cloître : Fut achevé au XVII ème siècle. Plus d'un siècle fut nécessaire pour sa construction; il forme un vaste rectangle de 118m sur 55m, soit un périmètre de 346m, dans lequel s'ouvrent les 24 cellules des Pères. 84 grandes baies éclairent l'ensemble couvert de voûtes d'arêtes. On peut y remarquer, à côté de chaque porte de cellule, le petit guichet sur le côté, qui servait de passe-plat. Le Père disposait de 181m2, comprenant : L'Ave Maria (où chaque fois qu'il entre, il récite la salutation angélique), le promenoir, l'oratoire ou cabinet de travail et de prière, le jardin, et le solarium. Le Père demeure 20 heures par jour dans sa cellule à prier, lire, écrire, méditer. Nul autre que lui ne peut y avoir accès.

Le jardin : Offre une magnifique vue d'ensemble sur le cloître et permet d'apprécier la douceur du silence environnant. On y retrouve le cimetière des chartreux avec leur ossuaire, une statue de St Joseph, un bassin central, ainsi que le système d'irrigation. Le fondateur de l'œuvre de Valbonne, Philadelphe DELORD, repose ainsi que son épouse dans les deux tombes situées hors du cimetière

Le petit cloître : Probablement l'une des parties les plus anciennes de la Chartreuse, a été restauré au XIX ème siècle. Les galeries sont couvertes de berceaux en plein centre, contenues par des doubleaux retombant sur des consoles. Le petit cloître était réservé au prieur et au procureur de la Chartreuse, ainsi qu'aux entretiens particuliers demandés par les pères chartreux. Le tombeau situé dans le mur du cloître correspond à la sépulture du fondateur de la chartreuse de Valbonne Guilhem de Vénéjan. On retrouve sur la pierre gravée, la croix hampée et la crosse tournée vers l'intérieur, symbole d'un évêque dont les fonctions sont internes.

La cour d'entrée: A gauche, l'ancienne hôtellerie des chartreux, à droite, le mur d'enceinte avec en son centre une tour carrée de style Renaissance édifiée entre 1634 et 1650 sous le prieurat de Don François Laurent. Ce portail monumental, autrefois muni d'une herse et au-dessus d'une bretèche à mâchicoulis constituait, avec les deux tours d'angle munies de meurtrières, les éléments de défense du monastère. Les deux niches de chaque côté accueillent: à droite, saint Bruno à gauche, saint Jean-Baptiste, guide spirituel de saint Bruno Entre les deux niches, notez le cartouche dédié à Guilhem de vénéjan, fondateur de la chartreuse de Valbonne.

La cour d'honneur: Après le porche, cette cour fermée à l'acoustique naturelle remarquable, est bordée, à gauche des anciens ateliers des frères (boulangerie, confection de vêtements, fromage.) et au-dessus les cellules des frères, à droite la cave de vinification et à l'étage le logement du supérieur. La façade de l'église conventuelle (fin XVI ème) donne sur cette cour, elle rappelle la contemplation des chartreux pour Marie.

Les chapelles dites des étrangers :  Étaient réservées aux pèlerins de passage.

La chapelle sainte Philomène : Avec une voûte en croisées d'ogives à liernes et tiercerons (ou en toile d'araignée), date du XV ème siècle, période où le monastère s'embellit grâce notamment à l'évêque d'Uzès Nicolas de Maugras dont le blason est apposé sur deux piliers.

La chapelle saint Joseph : (XVII ème siècle) Présente une voûte simple en croisées d'ogives.

La chapelle de la Compassion : (XVIII ème siècle)  Autel de style baroque, surmonté d'une piéta où il est inscrit " je languis d'amour ".

La chapelle des Familles : (fin XVIII ème): L'autel en marbre représente l'arrivée de Marie chez sa cousine Elisabeth.

La chapelle Sainte Madeleine

La Chapelle des Reliques: Construite en 1712, elle est restaurée en 1870. L'autel en bois en forme de tombeau est entouré de vitrines et porte une inscription: " ces ossements humbles exulteront ", rappel de l'Église pour les sacrifices de ses martyrs après les troubles de la Révolution. La peinture murale réalisée en 1884 par Athanase Malassigné (chartreux) est la reproduction de l'Agneau Mystique peint en 1432 par Van Eyck. 

 

Le chœur des Frères : Composé de 24 stalles et deux autels, surmontés chacun d'un tableau: à droite représentation de Saint Bruno, à gauche de sainte Roselyne.

Le chœur de Pères : Dans cet espace vous pouvez admirer la pureté des lignes de la voûte réalisée par deux maçons de Pont Saint Esprit, MM. Briat et Pépin selon les plans de l'architecte avignonnais Franque. La souplesse de l'appareillage, les figures géométriques des médaillons de la nef et le monogramme de la Vierge Marie en font un chef d'œuvre de l'architecture du XVIII ème siècle. Les stalles autour de vous, étaient réservées aux Pères; remarquable travail de marqueterie sur les pupitres où se mêlent noyer, ébène, buis, acajou, ainsi que sur les panneaux où figurent les symboles: " les clefs du Royaume de la foi, l'Espérance, la Charité, le Sacrifice et Yahvé ". Le chœur de la Chapelle à pans coupés est recouvert de marbre d'Italie, l'autel et son baldaquin à colonnes torses de style baroque sont en marbre polychrome. De part et d'autre du chœur, deux sièges en marbre blanc, réservés à l'évêque et à l'officiant. Ils sont ornés des symboles des quatre évangiles: Le lion de saint Marc, le taureau de saint Luc, l'Ange de saint Mathieu et l'aigle de saint Jean. Sous la corniche, deux anges quatre fois répétés symbolisent l'éveil et l'assoupissement.

 

L'ancienne Salle du chapitre ou salle capitulaire : (fin XIII ème siècle). Elle possède une voûte sur croisées d'ogives, à partir du XVIII ème siècle, les chartreux en construisent une nouvelle (sur votre gauche), et elle devient le passage vers le grand cloître. Le dimanche après-midi, les chartreux se réunissaient en chapitre pour régler les problèmes de fonctionnement et d'observance de la " règle ".

Le vestibule : Passage entre les deux cloîtres, possède une voûte remarquable formée par une coupole aplatie, chef d'œuvre de l'architecte Franque.

 

 

HISTOIRE : Dès les X-XI ème siècles, un petit monastère de religieuses bénédictines fut bâti dans la vallée, au coeur du massif forestier: "Notre-Dame de Bondilhon". Pour des raisons de sécurité, les religieuses abandonnèrent leur monastère à la fin du XII ème siècle. En ce temps, l’évêque d’Uzès, Guilhem de Vénéjan, attentif au péril hérétique que représentait l’expérience cathare pour les états du comte de Toulouse, entra en relation avec l’ordre des chartreux de saint Bruno et leur permit d’élever, en 1204, un nouveau monastère. Ainsi fut fondée le 10 février 1204 la quarante et unième maison de l'Ordre.

Les débuts furent difficiles, comme pour tant d'autres couvents. La dizaine de religieux arrivée dans la forêt de Bondilhon dut défricher et rendre habitable le vallon qui lui était concédé. Encore aujourd'hui une partie des bâtiments repose sur d'immenses voûtes assurant leur assainissement.

Cette vallée rendue fertile par le labeur constant des chartreux devint "vallis bona", Valbonne.

Grâce également aux nombreuses donations qui leur furent faites, les chartreux se trouvèrent rapidement à la tête de grands domaines sur la région. Leurs richesses; leur rayonnement; leur réputation d'intercesseur auprès de Dieu; leur oeuvre de charité qui redistribuait une grande partie des dons reçus aux nécessiteux de la région... Tout cela ne pouvait que susciter jalousie et convoitise de la part des Grands voisins. Les conflits avec le prieuré Saint-Pierre de Saint-Saturnin-du-Port (Pont-Saint-Esprit) en sont l'illustration.

La guerre de Cent Ans qui conduit le pays à la ruine, voit naître les "routiers, ou grandes compagnies" qui pillent, ruinent, rançonnent et dévastent les campagnes. Hélas! La chartreuse de Valbonne n'est pas épargnée. En effet, des établissements aussi vastes et isolés que ce monastère, mais également si peu aptes par leur vocation aux parades de défense, étaient singulièrement exposés.

Les luttes religieuses du XVI ème siècle eurent également leurs très dures répercutions au monastère. En 1585, la chartreuse est dévastée, pillée et incendiée. Quatre siècles d'archives partent en fumée!

Seul, le "Kalendarium Cartusiae Valisbonae", volumineux manuscrit de 1200 pages, rédigé à partir de 1661, restitue un résumé des quatre premiers siècles de la vie de la chartreuse. La Grande Chartreuse envoie de nouveaux pères pour la restaurer et la repeupler. Les travaux commencent dès 1593 et les cellules peuvent être réoccupées dix ans plus tard. Un prieur énergique, François Laurent, assure la sécurité du monastère et permet ainsi le retour d’une vie conventuelle régulière au monastère.

Le grand cloître, tel que nous le voyons aujourd'hui, a été commencé à cette époque. De même la porte d'entrée, de style Renaissance qui, toute majestueuse qu'elle soit, est surmontée d'une bretèche témoignant des inquiétudes qui se manifestaient encore. La reconstruction fut longue et la nouvelle église fut bâtie seulement entre 1770 et 1780.

La rénovation et la reconstruction de la chartreuse est achevée lorsqu’ intervient la Révolution de 1789. C’est à nouveau l’irruption brutale de l’histoire dans la vie de la chartreuse. Les biens de l’Église étant mis à la disposition de la Nation suivant décret du 2 novembre 1789, les temporels des chartreuses deviennent biens nationaux.

Le 13 février 1790, les ordres religieux ayant été supprimés par décret, les religieux des chartreuses sont dispersés. Le dernier père quitte Valbonne le 1er octobre 1790.

Comme pour les autres chartreuses, des inventaires sont alors dressés par les officiers municipaux, mais la chartreuse de Valbonne est la seule "maison" à ne pas connaître la vente car il était projeté d’y installer un établissement d’enseignement.

Ce projet n’ayant pas abouti, le monastère et les terrains de culture sont remis par arrêté du 27 pluviôse an XII (17 février 1804) à l'hôpital de Pont-Saint-Esprit pour le dédommager de la perte de son ancien patrimoine, vendu comme biens nationaux.

En 1822, la commission administrative chargée de la gestion de la chartreuse, parle de ruines, tout ayant été pillé, vendu ou récupéré par les communes avoisinantes... Alors, décision est prise d'une vente aux enchères, et le 28 janvier 1836, les chartreux rachètent le monastère pour la somme de 65 300 Fr.

Une fois encore la chartreuse de Valbonne va renaître de ses cendres. Restauration, mais aussi nouvelles constructions. La chapelle des familles ainsi que celle des reliques sont de cette époque. Résurrection générale: le chant grégorien retentit à nouveau à l'intérieur, et les champs se couvrent de belles cultures à l'extérieur; les écuries sont repeuplées et les troupeaux reconstitués. Les étrangers, les nécessiteux sont, comme par le passé, accueillis dans la cour d'entrée et l'on pourrait penser que cette ruche bourdonnante se prépare à un bel avenir.

Pourtant, alors que la chartreuse a retrouvé vie et sérénité, qu'elle n’aspire qu’à la paix et à la tranquillité, au silence pour la prière et pour se vouer à la contemplation, une querelle virulente intervient au niveau de l’Etat à propos de la "question laïque". La loi Combes du 1er juillet 1901 place les congrégations sous le contrôle de l’État qui peut ou non les autoriser selon leur utilité. Les moines de Valbonne, ainsi que ceux des autres chartreuses de France, refusant de se soumettre, sont contraints à l’exil. Ils partent pour l'Espagne où ils réaménagent la chartreuse d'Aula Dei qui avait été en partie anéantie lors des deux sièges de Saragosse par Napoléon I er.

Cette fois, les moines doivent définitivement abandonner leur chartreuse et Dom Gorce, dernier prieur, quitte Valbonne le 30 septembre 1901.